Flemmingite aiguë et bras cassé(s)

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Il fixait le plafond depuis tellement longtemps qu’il fut d’abord surpris de constater que la pièce ne tournait plus.

Il se leva avec prudence, redoutant que le moindre bruit ne fasse réapparaitre les minuscules démons argentés qui avaient troublé sa vue tout le jour, précédant chacun de ses pas, jusque dans la pénombre de ce refuge. La fièvre était retombée, mais la fatigue rendait ses mouvements lents, pénibles, et pour le moins imprécis.

Si le peuple troll n’était pas connu pour son agilité, il vantait toutefois sa force et son sens de l’orientation (bah oui, toujours tout droit). Voila bien deux choses dont Aars manquait en cet instant. Cette simple pensée l’aurait irrité s’il ne se sentait pas aussi faible. Il prit tout de même le temps de vérifier le contenu de son sac comme à son habitude. Fioles de sirop rouge, de sirop bleu. Son bonnet d’hiver et ses billes. Sa collection de clés et les crayons de Tithen. Tout y était. Satisfait, il ramassa son arme et quitta l’auberge, trainant les pieds et l’épée jusqu’au Blob Séché.

L’endroit était tel qu’il s’attendait à le trouver à cette heure : silencieux. Il se laissa tomber sur un banc, déposant ses affaires bien en vue sur la table. La serveuse se présenta presqu’aussitôt et pour la première fois, il balaya la pièce du regard, repérant les quelques oiseaux de nuit.

Les habitués...

Se désintéressant d’eux, il entama sa bière, boisson dont Barmad vantait si souvent les effets curatifs. Le demi d'homme n'était pas aussi inutile qu'on voulait bien le faire croire.

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Tu dors, petite, sur la table, éreintée par une nuit de chasse infructueuse.
Ton manteau tâché de boue traîne sur le sol, arrachant les dernières miettes à la couche de graisse qui fait luire le plancher.
Tes cheveux défaits où se mêlent des feuilles sèches et des brindilles coulent comme vase sur tes deux bras blancs.
Ils flottent, ballottés par les reflux de ta respiration sur le bois râpeux.
Deux bêtes mortes.

Je n'aime pas que tu dormes.
Tu le sais pourtant...

De l'autre côté un troll s'est attablé, il n'a pas l'air en très grande forme lui non plus mais il pourrait quand même s'apercevoir que tu es là, couchée comme une poupée de chiffon, avachie dans les restes.
Il n'a pas l'air d'avoir grand chose à faire de ce qui l'entoure mais ça ne me plaît pas, qu'il te voit comme ça.
Je veux que tu te réveilles.

Maintenant.

« Qu'est-ce que … hum »

Ta tête jaillit brusquement, tu marmonnes quelque chose d'inaudible, un peu gênée, effrayée aussi sans doute de ne pas être chez toi, avec les tiens.
Tes yeux sont encore gonflés, rougis par le sommeil, et ta bouche entrouverte te donne l'air idiote.
Tu ne sais pas ce qui t'arrive, ni où tu es. Mais au moins tu ne te donnes plus en spectacle.
Tu as oublié où tu t'étais endormie.
Tu regardes tes mains, sous tes ongles la terre du bosquet s'est incrustée, puis ta gorge, pour vérifier que tu n'es pas trop débraillée.
Tu te racles un peu la gorge, frotte tes yeux. Ça pique.
Ta bouche est sèche.
Et tu as soif.
Sur ta joue les rainures de la table se sont imprimées.
Lisse tes cheveux en bataille pendant que des ombres passent.
Mais le troll, lui, ne bouge pas. Et cette immobilité te fait tourner la tête et rassembler tes bras tout contre toi tandis que tes yeux se posent sur lui avec un vague air d'excuse.

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Du fond de la salle, une ombre accueille ce réveil bruyant par un grognement mécontent qu’elle ne semble pas remarquer. Aars lève les yeux. Son regard navigue entre les deux inconnus puis s’arrête sur la jeune femme qui retrouve peu à peu ses esprits. Il a déjà vu son visage mais jamais aussi clairement. Tous les jours encapuchonné et fuyant les regards, il est étrangement découvert cette nuit.

Les mains de l’elfe s’activent à démêler de longs cheveux, plus vite qu’il ne l’aurait pensé. Puis elle se retourne et ses yeux se posent sur lui. Ils affichent une gêne pudique, mais que connait un troll aux subtilités du langage corporel ? Ce qu’il lit c’est la fatigue au creux de ses cernes, la soif sur ses lèvres et la chaleur sur ses joues colorées. Une proie facile dans un bosquet. Cependant, la seconde d’après, c’est son propre reflet qu’il perçoit dans ce visage tiré ; la fatigue, la chaleur aussi. Et la soif.

Il devrait détourner le regard, il le sait. Les trolls ne s’intéressent pas aux étrangers, encore moins aux elfes. Pourtant il continue à la regarder sans raison, sans attente particulière. Il devrait l’effrayer, lui demander ce qu’elle regarde, mais les mots ne lui viennent pas.

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Tu penses l'espace d'une seconde, quand ton regard rencontre le sien, qu'il va te faire un signe de tête, incliner le front légèrement, quelque chose de presque familier comme un accord tacite sur la situation, un clignement d'yeux qui attesterait que
"non, ce n'est rien, je n'ai pas voulu vous surprendre, dormez...
Vous pouvez continuer à dormir, je ne dirai rien. C'est déjà oublié. Il est bien trop tard, ou bien trop tôt."
Des choses qu'on se dit quand on se rencontre dans des endroits comme celui-ci et qu'on est seul, et pensif, un peu rêveur, parfois désabusé, ou juste curieux.
Mais non.
Il te fixe, il t'épingle et il passe à travers toi comme à travers un voile.
Rien de plus, rien de moins.
En d'autres circonstances tu aurais pu remarquer que ce visage tu l'avais déjà croisé. Ailleurs.
Maintenant c'est trop compliqué de se souvenir.

D'un mouvement presque trop brusque tu enfouis tes mains dans tes vastes manches, comme si cacher tes doigts pouvait lui dissimuler ton visage.
Tu aurais pu détourner les yeux pour mettre fin à cette situation que tu trouves maintenant parfaitement incongrue.
Pourtant tu continues de l'observer.
Cette étrange obscurité au fond de ses iris.

Tu ne commandes pas à boire.

Tu frottes tes mains l'une contre l'autre dans le manchon crasseux de ton manteau que tu as fini par entortiller sur tes avant-bras.
On pourrait croire qu'il neige, dehors.
Et que le feu est tout près.
La son de ta voix, c'est presque un souffle.
Tu fredonnes quelque chose.
vet er brengen a feygele
Tu as presque oublié que tu le regardes encore, ensommeillée.
Cette chanson te fais sourire.
On pourrait croire qu'il neige dehors.
Et que c'est le feu qui fait rougir tes joues.
Il pourrait croire qu'il lui est adressé.

Tu déglutis et des larmes te montent dans les yeux à ne plus cligner.
Soif.
Tu sais l'alcool de dragon dans ta poche.
Sa brûlure. Et puis l'ivresse qui console des moments perdus, comme ça.
vet zayn gezunt dos eygele
Incapable de bouger.
Incapable de te lever.
Incapable de faire ce qu'il se doit, rentrer maintenant.
Sous la neige.
Tu te souviens ?
Comme au vieux temps, affronter le vent glacial qui coupe, lécher la goutte de sang qui va perler sur ta lèvre qui craque dans le froid.
Les yeux qui piquent, enfouir plus profondément les mains dans le velours épais doublant la peau. Et le nez, le nez dans le col.
Tu souris plus grand.
Tu secoues la tête pour faire tomber des flocons, te réjouir de leur forme légère, comme des nuages.

Tu regardes la table. Tes dents luisent dans ta bouche. Réjouie.
Pas de flocons.
Pas de feu.
Une affreuse tristesse te tord l'estomac.
Tu as juste rêvé debout, encore une fois.
Devant un inconnu.
Ton visage se durcit. Quelques gouttes de sueur suintent sur tes tempes. Tu détournes les yeux. Fouilles tes poches. Extirpes le flacon où ondoie un liquide ambre, écume rouge et le débouche et hume le parfum âcre et bois de larges rasades qui t'assènent une franche brûlure avant de le poser devant toi.
Et d'un doigt délicat, le pousser le flacon, centimètre par centimètre, sur le côté, jusqu'à ce qu'il soit à portée de main de ton obscur compagnon.

Messages : 104 Localisation : LA CENSURE !

Sans rien savoir de l'étrange ballet qui se joue à l'intérieur, s'approche du bâtiment
prétentieux.
Sa façade clinquante et lourde se dévoile un peu plus sous la lumière blafarde de la lune à chaque pas qui l'en rapproche. Comme si tout ce qu'il y a de plus grossier chez chacun de ses occupants en imprégnait les murs.
Putain d'enseigne qui brille d'un éclat trompeur et renvoie sa lumière frelatée.
Le Blob Séché. Porte bien son nom...
Que des masses amorphes qui se momifient à la chaleur tiédasse des foyers sans âme.

Rien que d'approcher de l'entrée, sent la nausée le gagner. Heureusement, la colère vient
calciner son écoeurement et donner naissance à des flammèches avides de grandir pour dévorer ce temple de la stagnation.
Aimerait bien le voir disparaître dans un festival de jaune et de rouge.
Le voir partir en fumée.
Le voir finir en cendres.
Qu'il n'en reste plus rien, sinon une ruine noirâtre.
Goût de charbon dans la bouche.

L'entrée de cet antre de l'apathie...
Crache avant d'entrer et se prépare à être assailli par les remugles de vieilles sueurs, d'odeur d'alcool rance, de feux mourants et de vomis oubliés.
Peste de devoir passer par là pour rejoindre l'autre côté, se demande s'il a bien fait d'éviter
le détour finalement, se réprimande pour ça, prend une grande inspiration et ouvre la porte, le parfum douceureux de la corruption et du laisser aller vient le frapper de plein fouet, grimace avec dédain et pénètre dans le repère de la décadence.

Avance dans l'atmosphère enfumée du lieux, devinant avec dégoût les silhouettes de certains énergumènes des plus méprisables, crevards sans honneur, prêtresses indignes de leurs voeux, charognards vicieux, mais aussi des visages amis égarés, des camarades perdus, des gens exténués qui viennent s'échouer là plutôt que de se reposer dehors, vulnérables à l'envie et à la lâcheté de tous. Les salue rapidement de la tête, ne tenant pas à s'attarder dans cette vaste pièce à l'air vicié.

La sortie se profilait enfin lorsqu'il aperçut à deux tables sur le côté, une forme qu'il reconnaitrait entre mille, une chevelure blanche qui s'agite comme pour en faire tomber des feuilles imaginaires, sa manière de bouger, sa façon d'occuper l'espace... Ca ne peut être qu'elle !
Dévie alors de sa trajectoire pour aller la saluer, se demande ce qu'elle fait dans un lieu qui dépare tant avec sa présence, se réjouit malgré tout de la voir, sourire venant décrisper sa gueule écailleuse jusqu'à qu'il soit suffisamment proche pour découvrir ce qu'elle y fait...

Jette un rapide coup d'oeil sur son futur partenaire de boisson et les écailles reforment une
grimace, puis revient à elle et la dévisage, perplexe.

"Ma Soeur Illuminée, je suis étonné mais content de te croiser ici mais je pensais pas te trouver en si singulière compagnie."

Montre le troll d'un mouvement de tête sans la quitter du regard.

"Sache que tu vas partager ton eau forte avec quelqu'un qui intègre un clan, y prospère, le quitte puis va rejoindre un clan ennemi..."

Messages : 45

Ne pas t'extraire trop vite de ta léthargie, profiter de la brûlure de l'alcool qui incendie tes organes, un à un.
Pas un bruit.
Ton voisin n'a pas bougé.

Tu ranges tes doigts, recroquevillant tes phalanges lentement, leur donnant la posture étrange d'une araignée qui emmaillote sa proie.
Les porte à ta bouche.
Suçote une goutte ambrée qui perle sur l'ongle de ton annulaire.

Tu flottes entre deux eaux quand une ombre te recouvre.
Une silhouette massive masque le halo du plafonnier.
Sourire.
Crocs.
Familiers.

Inattendu.

La gueule siffle. Une grimace cisaille la face. Tu ne comprends pas. Qu'il te dévisage ainsi.
Comme s'il doutait.
Tu n'aimes pas être bousculée.
Il sait bien, lui, ce qui te fait, au fond, enragée.
Ce regard qui te questionne te brutalise.
Tu ne comprends pas.
Jusqu'à ce qu'il lâche ces mots comme des cailloux.

Il dit: singulière compagnie.
Il désigne ton compagnon de table.

Il dit: partager, l'eau forte.
Avec un traître.
Tu le comprends entre deux gifles.

Ton visage se ferme, tu le scrutes.
Questionnes à ton tour des yeux.
Qu'a donc bien pu faire cet être silencieux pour déclencher tant de véhémence...
Qu'a-t-il donc commis de si laid pour qu'il mérite ainsi une dénonciation publique et d'être humilié devant toi.

Tu déglutis.
Observes le troll. Oui, tu te souviens maintenant de ce grand corps taciturne tassé sur une table dans la taverne de la Censure.
Comment Sverker aurait-il pu laisser entrer dans le saint des saints une vipère...

Te voilà contrariée.
Desceller tes lèvres te coûtent.
Je le lis dans tes yeux noircis.
Il le lira lui aussi.
Tu inclines la tête pour le saluer mais quelque chose résiste, là, sous le menton, qui te donne un air mauvais, insolent.

"Ne sois plus étonné de me croiser dans cette auberge, j'y trouve parfois quelque chaleur, et j'aime y rencontrer des inconnus. Il s'y vit parfois des moments plus intenses et plus vrais.
Que le plus lointain devienne le plus proche.

J'ai passé une mauvaise nuit.
Je ne pensais pas croiser visage familier.
Pardonnes, mais je ne suis nullement disposée à tenir ce genre de conversation."

Tu te lèves. Brusquement.

"Je ne sais pas ce qui vous lie. Ou ce qui vous a tant lié pour que tu traites cet homme de la sorte. Mais il n'est pas lieu ni heure pour moi d'en juger. Et surtout pas comme ça."

Te retournes vers le troll.

"Buvez cet alcool à la Nuit, celle qui veille aussi bien sur le criminel que sur l'amant.
Une autre fois.
Surement.
J'aurai loisir de découvrir peut être qui vous voudrez bien être. "

Tu t'encapuchonnes et tu les quittes.

Messages : 104 Localisation : LA CENSURE !

Partie.
En furie.
Le voilà seul avec l'autre.
Au milieu de ces êtres vagues.
Même s'il n'est pas surpris de sa réaction,
Se demande un instant ce qu'il fout ici, à cette table.
Sentait qu'il déboulait comme un chien dans un jeu de quilles,
Qu'il gênerait dans la promiscuité trouble de ce terrier insalubre.
Soudaine envie de décamper, de sortir enfin de ce trou à rats.
Aller prendre l'air, se débarrasser de l'odeur de défaite
Qui lui colle aux écailles et lui file encore la gerbe
*Sors de ce taudis, t'as plus rien à foutre là*
La messe est dite et quand le vin est tiré,
Il faut le boire... jusqu'à la lie.
L'hallali sonnera un jour :
Il reviendra, ouais,
Et brûlera tout,
Promis.
Tout !